Haltérophilie / La quatrième dimension

 

 

La quatrième dimension

 

Les Bleu(e)s ont rempli leur contrat à Strasbourg. Mais derrière les médailles d'or, d'argent et de bronze se dessine une quatrième dimension. Celle de la confiance, de la complémentarité et de la complicité entre le staff et l'athlète.

 L'équipe de France a été fidèle à son rendez-vous strasbourgeois et européen. Avec quatre médailles (2 d'or, 1 d'argent pour Vencelas Dabaya, 1 de bronze pour Mélanie Noël), quelques athlètes dans le Top 5 (Madeleine Yamechi, Benjamin Hennequin, David Matam) et plusieurs records de France, les Bleu(e)s ont été les ambassadeurs attendus de cette semaine de la fonte.

Vincent Rigaud (2e en partant de la gauche) , en discussion avec le staff français : une dimension psychologique de la compétition. (Photo DNA - Alain Destouches)

 

« Elle s'est bien
relancée »

 « C'est en effet globalement positif, estime Vincent Rigaud, le directeur technique national adjoint. Voilà qui nous remet dans le bon chemin, car si « Vence » a été sacré à St-Domingue, ces championnats du monde d'octobre 2006 ne nous ont guère souri, malgré la 6e place de Mélanie Noël et la 9e de Madeleine Yamechi. Mais si elle a trébuché en République Dominicaine, l'équipe de France n'est pas tombée pour autant. A Strasbourg elle a montré une réelle envie, le besoin de prouver qu'elle était encore bien debout. Elle s'est bien relancée. »
 Si cet Euro 2007 constituait un passage presque obligé parce qu'il avait lieu « à la maison », l'objectif de la saison demeure les championnats du monde en Thaïlande, fin septembre, qui détermineront les quotas olympiques par équipes pour Pékin.
 Or, le staff national vise 4 places chez les garçons et 3 chez les filles. La preuve par 7 d'une progression constante de l'haltérophilie française après les trois athlètes retenus pour les JO de Sydney en 2000 et les cinq ayant obtenu les minimas à Athènes.

« Il faut savoir
écouter son corps »

 C'est d'ailleurs dans cette optique que Virginie Lachaume, finaliste en Grèce, a préféré faire l'impasse à l'Euro strasbourgeois. « C'était se priver d'une médaille en moins de 53 kg, mais nous avons respecté son choix. Depuis cinq ans, Virginie est sur la brèche internationale et enchaîne les compétitions. Ces derniers mois, elle a connu un gros coup de mou, même aux entraînements où ça n'allait plus, explique Vincent Rigaud. Il faut savoir également écouter son corps et un break constitue souvent la meilleure stratégie. C'est une manière de se ressourcer. Virginie s'est mariée, elle a emménagée dans son nouveau foyer. A Strasbourg, où elle est venue encourager ses partenaires, on a senti qu'elle avait retrouvé un discours de gagnante, qu'elle était de nouveau prête à retourner à la bagarre. »
 L'encadrement de l'équipe de France est toujours en éveil, en introspection, en anticipation. « Dans l'haltérophilie moderne, un entraîneur national ne peut plus se contenter d'organiser les séances d'entraînement, estime le DTN adjoint. Certes, la vidéo nous aide à gagner des kilos en travaillant l'angle, le placement, la prise de mains. On sait que les nations de l'ancien bloc soviétique misent sur la puissance, que les Bulgares travaillent la technique à outrance et nous on propose un mixe des deux basé sur la maîtrise gestuelle. Mais le relationnel et le feeling avec l'athlète jouent désormais un rôle primordial. »

« Tu entends leur
coeur tambouriner »

 C'est pourquoi, à l'image du judo, la direction de la Fédération française et l'encadrement des Bleu(e)s n'est composé que d'hommes et de femmes du sérail. « Les athlètes et le staff sont obligés de se faire confiance, insiste Vincent Rigaud. C'est cette complémentarité, cette complicité, cette alchimie qui procure un mental de fer aux haltérophiles. L'expression n'est peut-être pas la mieux appropriée, mais nous sommes un peu leur chien d'aveugles. Notre rôle c'est de les guider jusqu'au plateau en balayant tout élément perturbant. Ils sont dans leur bulle, dans leur match. Et puis il y a aussi le feeling qui fait que tu entends leur coeur tambouriner juste avant d'aller soulever la charge. Si tu ne ressens pas ce moment d'émotion, si tu ne le partages pas, tu ne peux pas gérer leur compétition... »

Patrick Schwertz

Édition du lundi 23 avril  2007